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Cyberdeck : Premier Contact

·10 mins

C’est l’histoire d’un mec qui trébuche sur un grain de sable… où foisonne un univers.

Comme j’ai beaucoup de lubies et que je ne connais généralement pas grand chose à un sujet quand il se décide à me traverser la tête, il m’arrive assez souvent de me laisser glisser sur le réseau pour y trouver du matériel documentaire, et quelques bonnes idées.

Le hasard m’a ainsi récemment conduit sur le sympathique repaire de THE CYBERDECK CAFE, et plus particulièrement sur une publication du créateur du MSG, dans laquelle il nous fait une rapide et agréable présentation de son cyberdeck.

La chose m’ayant rapidement plongé dans une phase d’exploration mono-maniaque, j’y ai grillé par mal d’heures à lire, mater des streams et me coller le ravioli en ébullition, jusqu’à avoir un déclic.

Mais ceci n’est qu’une introduction et il faut laisser un peu de place au suspense. Alors, commençons aujourd’hui par poser quelques bases.

Un cyberdeck, ça consiste en quoi ? #

On va passer rapidement du fantasme cyberpunk à la transposition concrète du terme, car son origine est d’abord fictionnelle. Je n’ai pas eu le plaisir de lire, et c’est cet article de D10D3 qui m’apprend que William Gibson décrit, dans son roman Neuromancer du 1984, un terminal permettant d’établir une liaison neurale au net et de se plonger ainsi dans une réalité virtuelle. Le cyberdeck, comme il le nomme, est le précurseur littéraire de ce que d’autres fans de SF (dont moi) découvriront plus tard sous la forme plus évoluée des implants et cyber-cerveaux intégraux de Ghost in the Shell.

De notre côté du miroir, les formes concrètes du net ubiquitaire n’ont pas encore dépassé le stade laborieux des parpaings de la Vomirtual Reality et du metavers Sims-esque de Horizon World. À défaut de pouvoir parader, on aura au moins le luxe de s’en réjouir, car la gueule actuelle du net n’envoie vraiment pas du rêve. S’y brancher en direct serait plutôt un coup à attraper des maladies de tête douteuses.

Putain de troll !

Grave. Mais si on réserve un peu le vitriol, on aura le temps de découvrir une autre vision de la chose, plus ludique, mais qui vaut le détour. Alors aujourd’hui, le cyberdeck du vrai monde, c’est quoi ?

Concrètement, on peut le voir comme un terminal OVNI et versatile, qui embarque ce qu’on veut bien y fourrer, car c’est avant-tout le produit DIY – Do It Yourself – d’un ingénieur/hacker qui s’éclate à créer des trucs qui marchent, pour son plaisir personnel, mais également pour se construire un outil qui coche toutes les cases de son idéal d’expérience utilisateur, tout en lui conférant un contrôle sans entrave de ses entrailles.

À mi-chemin entre la marge et l’inspiration de divers formats portables connus, enchâssé dans un boitier tantôt rétro ou recyclé/détourné, tantôt autre chose, il est multi-modal et n’a de limite en termes de fonctionnalités que celle de l’imagination de son concepteur. C’est un laptop, un navigateur GPS, un baladeur audio, une console rétro, un téléphone. Ça te sifflerait aussi l’heure en espéranto que ça ne m’étonnerait même pas. Tu l’utilises assis, debout, allongé. Tu l’emportes dans ta main, en bandoulière ou en attache ventrale. Tu fais bien ce que tu veux.

En général, c’est construit autour d’un SBC – Single Board Computer, souvent une Raspberry Pi 4, d’abord parce que ça peut tenir dans une coquille de noix (ce qui laisse beaucoup de place pour des cartes filles et interfaces aux rôles divers et variés), mais aussi parce que ça consomme autant d’énergie qu’un pet de lapin, tout en fournissant assez de puissance de calcul pour répondre à la majeure partie de nos besoins en matière de traitement et échange d’informations. Comble du bonheur, ça coûte que dalle.

Ah ! L’accident bête : Ces dernières années, une collection d’emmerdements bien conjugués a plongé notre secteur dans une formidable mise en tension de l’approvisionnement en semi-conducteurs (entre autres), ce qui a tout bonnement conduit à l’épuisement des stocks de Raspberry Pi à l’échelle mondiale (à l’exception de quelques modèles désuets ou limités) et à une petite flambée des prix. Ce n’est pas le sujet de départ, mais y reviendra une prochaine fois.

Ça se faisait sans doute déjà un peu avant l’arrivée des SBC, mais l’avènement de cartes de développement bien foutues, documentées et outillées comme l’ Arduino ou la Raspberry Pi a méchamment dopé le foisonnement des communautés de makers et l’éclosion d’un petit marché de niche d’équipements et accessoires, dans lequel des boîtes comme adafruit se sont mises à injecter une tripotée d’extensions pour SBC, ce qui a assurément contribué à booster la créativité des artisans du DIY. On n’oubliera pas non plus d’évoquer la démocratisation des imprimantes 3D, qui ont également permis de faire sauter un paquet de contraintes à la conception des facteurs de forme.

Un cyberdeck, ça ressemble à quoi ? #

Comme on est tombé dans une niche de hackers, on peut y trouver beaucoup de variantes. D’abord parce que l’esprit de chaque créatif est unique et que les formes et l’ergonomie, c’est un peu comme les goûts et les couleurs : ça ne se discute pas. Mais si chaque cyberdeck qui voit le jour se distingue toujours des autres, c’est également dû au fait qu’on ne le conçoit pas en suivant une motivation unique.

Il y a des artistes et des nostalgiques d’une ère révolue, ceux qui explorent des vues d’ergonomie alternatives, et d’autres en quête de modularité. Certains se créent un jouet cyberpunk pour le plaisir d’en faire, d’autres imaginent le terminal de l’effondrement… entre autres.

Mais assez de blabla, place au visuel. Je ne vais pas aller jusqu’à siphonner le site du Café, donc on se limitera ici à 3 pépites et pour le reste, tu sais quoi faire.

Le MSG #

MSG cyberdeck
Photos glanées chez MSG

Mon préféré (c’est d’ailleurs lui qui tapisse le fond de l’article). Bijou tout droit sorti des méninges d’un gars de Brooklyn, le MSG est nomade (tu l’embarques comme un sac à bandoulière), bâti autour d’une architecture dual-engine (c’est un NUC + une Raspberry Pi combinés), avec un clavier Planck que tu configures à ta sauce, un écran tactile, un mini écran e-ink, une carte d’extension GPIO pour bricoler et une matrice LED déjà branchée dessus… mais pas que.

Je disais dual-engine ? Le mec a poussé le vice encore plus loin en usinant un petit compartiment à l’arrière dans lequel tu peux venir y brancher ce que tu veux et, pour lui, ça a été en premier lieu un mini-lecteur audio, fait à partir d’une Raspberry Pi Zero et d’un module DAC+Amp.

Tu veux bosser ou bricoler, tu ouvres le capot. Besoin d’un peu plus de puissance ? Tu amorces le NUC et tu bascules dessus. Tu pars en vadrouille et tu veux juste un peu d’ambiance ? Tu fermes le capot, tu lances le lecteur audio avec ta playlist LoFi du moment. Je t’ai dit que le tout tourne à partir de 2 pauvres batteries 18650 ? En revanche, faudrait voir ce que ça donne côté autonomie.

Tu pousses un peu plus loin avec un module GSM/LTE et des compartiments pour y loger 2 joycons et il te manque quoi en vrai ?

Évidemment, c’est un prototype et j’aurais personnellement collé le compartiment du module audio sur la façade arrière plutôt que sous le châssis, pour un maniement de l’interface plus aisé lors du transport, mais comme c’est du DIY, il me suffira de changer ça quand je m’y mettrai enfin.

Si à toi aussi cette beauté a tapé dans l’œil et que tu veux en savoir plus, voici quelques morceaux des internets où son créateur a éparpillé ses publications : Ici, ici aussi, et puis là aussi bien sûr.

Le Griz Sextant #

Griz Sextant
Photos glanées sur le site du Café

Un format laptop tout ce qu’il y a de plus classique. Mais il n’est pas choupi avec son petit form factor des 80s et ses couleurs à la Commodore 64 ?

Le Griz Sextant respire la nostalgie. Sa conception n’en est heureusement pas moins simple et efficace : SBC, écran, clavier, batterie et hop ! Mention spéciale pour le clavier mécanique ortho-linéaire 50%, qui sera probablement plus simple à appréhender que le format Planck 40% du MSG.

Le hgDeck / hgTerm2 #

hgDeck
Photos glanées ici

On s’égare une minute avec un format plus original que réellement pratique. Les inconditionnels de Fallout ne manqueront pas de lui trouver un petit côté pip-boy. Et avec le poids du tube cathodique en moins, il y a moyen d’éviter les crampes.

Côté formes, ça a de la gueule, et si comme moi, tu aurais plutôt choisi des couleurs faisant un peu moins gadget : c’est toujours du DIY, tu fais comme ça te plait. Bon par contre, sous le capot, c’est visiblement un beau bordel et côté confort d’utilisation, il faut vraiment aimer les claviers lilliputiens et mono-manuels, mais pour chatter sur le pouce ou se mater un article ou une vidéo dans le métro sans craindre de se faire piquer son terminal, ça peut le faire.

Personnellement, je ne tiendrais probablement pas plus de 10 minutes à garder le coude levé à la manière dont le format bracelet l’impose, mais rien que pour l’idée originale de ce format mini et mains libres avec son clavier escamotable : respect.

Mention spéciale : Projet POCKIT #

Pockit
Photos glanées chez Pockit

J’avais dit 3 ? J’ai menti. Mais il m’était inimaginable de boucler cette publication sans te parler de ce parangon de la modularité. Car si celui-ci ne ressemble pas à cyberdeck bricolé au fond du garage et qu’il n’est clairement pas certain que la mouture finale sera open-source / open-hardware, la versatilité poussée à l’extrême de ce petit bijou en devenir n’en est pas moins des plus inspirantes.

Imagine une plateforme pensée pour faire basculer quasi instantanément les opérations d’un unique SBC d’un mode à un autre, rien qu’en débranchant quelques modules aimantés et en les remplaçant par d’autres.

C’est un GameBoy, c’est un téléphone, c’est un lecteur audio/vidéo, c’est un NAS, c’est un GPS, c’est… juste excellent !

Quitte à réaliser un fantasme personnel, je combinerais volontiers l’idée de départ du MSG à celle du Pockit. Mon ultime terminal, ça pourrait bien être ça.

Je retourne au titre.

On a fait le tour ? #

Mais non, mais non…

Premier contact oblige, on a fait les présentations et j’espère que ça t’a plu, mais on va essayer de dépasser le seuil de la simple curiosité. J’ai beaucoup de pensées à partager avec toi et, comme mes réflexions sont un immense bordel, il va me falloir structurer un peu tout ça avant qu’on aborde la suite. En plus, si je ne le conclus pas ici, cet article va finir comme tous ses prédécesseurs : fossilisé dans les brouillons du blog.

Pour résumer la chose, le cyberdeck est une chimère électrique, faite de PLA et de composants glanés par-ci par-là. Mariage d’inspirations éparses, il t’accompagne partout, de ton bureau/atelier à ton lit, en passant par tes genoux quand tu t’emmerdes dans le métro, jusqu’au trou de souris que tu creuseras pour te planquer dans les bois quand les zombies auront bouffé tout le monde. C’est biscornu, c’est moche et beau à la fois. C’est un prototype à vie et qui se bonifie à force d’ardeur et de patience. Au-delà du simple divertissement, pourrait-on parler d’art ? Mais dans ce cas, quel est le message ?

À suivre.


… et un peu de son en attendant la suite.